lundi 17 octobre 2011

la colère, une émotion qui dit tant...


Vendredi nous avions rendez vous à l'hôpital pour le suivi orthopédique de Pistache. Quand le médecin orthopédiste nous a reçues après deux heures d'attente dans une atmosphère très électrique (personnel surmené, parents épuisés, enfants affamés etc.), Pistache ne voulait pas qu'il l'ausculte. Elle s'est mise à crier en se jetant sur moi et en se débattant. Il a pu voir son dos vu sa position mais il a très mal accepté la réaction de ma fille et m'a souhaité bon courage quand je n'ai pas réagi à sa remarque sur les enfants colériques. Moi j'ai été surprise par la réaction de ma fille. J'ai pensé qu'une angoisse avait été réveillée là, avec l'arrivée du médecin en blouse blanche. Quand on est sorti elle m'a dit "maman prends moi je ne peux plus marcher". Le médecin a ricané "il ne manquerait plus que ça !" J'ai pris ma fille dans mes bras (bien sûr le gynéco dirait que ce n'est pas une bonne idée quand on est enceinte et qu'on doit se ménager) et quand nous nous sommes retrouvées dans un endroit seules toutes les trois avec sa petite sœur je lui ai demandé ce qui se passait (comme Pistache a été paraplégique quelques mois, ça ne venait pas de nulle part). Elle m'a demandé de lui raconter "quand elle était très malade". Alors j'ai dit depuis le début, ses douleurs neurologiques pas reconnues par la pédiatre, l'arrivée aux urgences après une visite chez l'ostéopathe, le pédiatre des urgences qui avait tout de suite diagnostiqué le neuroblastome, les nuits d'inquiétude, les jours de trouille, l'opération en neurochirurgie en urgence qui nous avait fait si peur, les six heures passées devant la salle de réveil sans savoir si elle était vivante, l'anesthésiste plein de sollicitude qui l'avait veillée cette nuit là en posant sa chaise devant elle et en m'assurant qu'il s'en occuperait comme de sa propre fille, le cathéter, ses pansements et ses infections, la chimio, les effets secondaires, les granules que je lui donnais en cachette, le lait de vache quelle vomissait, les tétées qu'elle gardait, la petite fille avec qui elle avait joué, les médecins formidables que nous avions rencontrés, les autres qui faisaient comme ils pouvaient, la colère qui avait été la nôtre et la sienne, parfois, contre ce système complexe, la force immense dont elle avait fait preuve, les trois nuits que nous n'avions pas pu passer ensemble (je ne connaissais pas encore nos droits, qui disent qu'on ne peut jamais interdire à un parent de rester au chevet de son enfant), les soins qui lui faisaient mal, le corset qu'elle avait du porter, les familles avec lesquels nous partagions les chambres, les appareils qui sonnaient jour et nuit, sa fragilité immunitaire, la seconde opération qui s'était déroulée dans des conditions excellentes, l'aide soignante qui m'avait aidée à la mettre au sein dès le réveil malgré les drains et tubulures diverses, le chirurgien qui avait dit qu'il n'avait jamais vu de toute sa carrière un enfant se remettre aussi vite d'une telle opération, tout l'amour qui l'avait entouré, tous les gens qui avaient pensé à elle, prié pour elle, toute la puissance qui était la sienne. Elle a pris une grande respiration, m'a regardé et m'a dit "j'étais toute petite maman, c’était dur". Calme et épuisée, elle s'est alors endormie dans l'auto. Qu'est ce que nous aurions raté en faisant diversion ou en supprimant l'émotion "inacceptable"...

7 commentaires:

  1. Les émotions des enfants sont comme les notres... avec un peu moins de possibilités (ou d'occasion) de les exprimer, un peu moins de recul pour se les auto-analyser.
    D'où l'importance de les y aider...
    D'où l'importance de leur dire que leurs émotions sont importantes et qu'ils ont le droit.
    Le droit d'être en colère, le droit de nous en vouloir, même à nous leurs parents, et que l'on comprend..que l'on sait qu'ils nous aiment mais que leur colère , leur ressentiment c'est normal.
    Comme nous, quand on peut avoir peur, mal,froid, colère .. quand on peut s'emporter contre eux ... avec ou pas de raison, quand on peut leur reprocher qq chose. On les aime... et ces sentiments n'amputent en rien ni l'amour ni l'estime qu'on a d'eux...
    C'était la journée mondiale contre la douleur aujourd’hui.....
    Alors qu'elles soient physiques ou morales... plein d'ondes soulageantes, pour toutes ces douleurs.. chroniques ou pas...

    Bisous

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  2. Ah ! c'est bon d'entendre une maman qui entend son enfant ! Est-ce que je peux mettre votre texte (peut-être avec votre nom complet) sur mon site ? Vous pouvez jeter un coup d'oeil: www.mon-sommet-a-moi.weebly.com Le lancement officiel aura lieu ce dimanche alors il n'est pas tout-à-fait complet, mais il y a beaucoup d'infos.

    Au plaisir,
    Manon Gauthier
    Éducatrice spécialisée

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  3. A Manon : Oui Manon vous pouvez copier le texte en mettant ma signature + un lien sur ce blog ! Mon nom est gaëlle Brunetaud-Zaïd. Vous avez entendu parler de moi via Isabelle Challut peut être ? Belle journée

    A Natte : Merci & belle semaine à vous, j'espère que les douleurs de Philippe s'amenuisent

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  4. Tu es enceinte ??? Waouh ! (oui je débarque de mon black-out moi).
    Le monde hospitalier peut réserver le meilleur comme le pire, malheureusement. C'est dur quand ça touche les enfants, à plus forte raison s'il s'agit les nôtres.
    DPA prévue quand ? ;-)

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  5. comme marie?? Quelle bonne nouvelle!!!

    pour le reste, le monde hospitalier est malheureusement trop souvent trop peu a l'écoute...

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  6. c'est avec émotion que j'ai lu ton récit :
    certes, je n'ai pas oublié l'histoire de Pistache, mais les détails et que tu résumes bien pourtant...

    aussi le titre est-il bien choisi
    et j'apprécie toujours la qualité de ton écoute
    mais malheureusement oui, le monde hospitalier manque parfois d'un peu d'humanité

    je pense aussi que ce moment de partage, et seules à 3, a été bénéfique pour toi aussi.

    je vous embrasse toutes 3, avec une pensée (régulière) à toi et au petit à venir

    bien amicalement,
    guita
    (chez moi, rien de neuf ; a + par mail)

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  7. Merci Guita ! Oui tu as raison ce partage a été bénéfique pour moi aussi, la réaction de ma fille m'a touchée !

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